A partir des figures de l’enfant et de l’adolescent aujourd’hui investies par une multiplicité de discours – sociologiques, philosophiques, psychologiques, mais politiques et médiatiques également -, il s’agirait ici de revenir sur ce que représentent ces catégories de la population au regard du processus de « modernisation », et sur la fonction politique de leur singularisation. Entre les parts de marché qu’elles représentent (l’exemple de la création de la nouvelle chaîne télévisée Baby first est de ce point de vue très éloquent), les interrogations et les inquiétudes qu’elles soulèvent dans le champ social et les enjeux psychanalytiques qu’elles recouvrent, comment distinguer les repères anthropologiques propres à la construction de la subjectivité des pathologies spécifiquement contemporaines ? Comment comprendre et analyser, avec les outils de la métapsychologie, les formes actuelles de désorganisation psychique des sujets au contact d’une machine capitalistique dévorante et destructrice ? Si par exemple l’opposition, le refus, pouvaient être identifiées comme des modalités d’expression et d’apparition de subjectivités avec lesquelles il nous faut toujours en découdre, comment le « trouble oppositionnel avec provocation » (TOP) est-il devenu un « trouble des conduites » suivant les résultats de l’enquête menée par L’Inserm en 2005 ? Si l’enfance et l’adolescence font symptôme, il convient de s’attarder sur les déterminants de ces manifestations, leur origine et leur valeur d’usage. Dans le cadre d’une réflexion sur les industries culturelles, et à l’aide des développements critiques que propose la philosophie contemporaine, il s’agirait d’élaborer les enjeux politiques posés par l’enfant et l’adolescent dans leur rapport aux objets, aux nouvelles technologies, quand ceux-ci en font des consommateurs abusifs, captifs, ou lorsqu’ils engagent au contraire des capacités de jugement et des processus de subjectivation inédits. Nous proposerons ainsi de mobiliser l’actualité de la notion de jeu, à partir des écrits sur l’enfance de Benjamin, de Baudelaire, de Bataille et des analyses plus récentes de Deleuze et Agamben ; il s’agirait de mettre en évidence la fonction inaugurale du jeu, de la manipulation des objets par l’enfant dans l’activité créatrice, l’expérience esthétique et la sublimation. Le jeu apparaissant comme fondateur d’une relation transitionnelle d’un sujet aux objets qui l’environnent, au travers de différentes étapes de cette relation : saisir l’objet, le regarder, l’ouvrir, le casser, le perdre, le retrouver… Des passerelles pourront se tisser entre ces expériences philosophiques et la théorie psychanalytique qui fit du jeu le moment premier de la symbolisation et de la capacité d’imaginer ; la scène du fort/da décrite par Freud dans Au Delà du principe de plaisir, ainsi que les caractéristiques de l’objet transitionnel « créé-trouvé » déployées par Winnicott étayeront notre élaboration. A partir de la distinction établie par Winnicott entre play et game, nous avancerons vers la problématique adolescente et les nouveaux modes de relation qu’elle met en place avec l’objet, dans le cas des addictions (le jeu pathologique), des pathologies dites « narcissiques », des conduites ordaliques, entre autres. Partant de l’analyse de ces comportements, à la jointure de la psychopathologie et de la sociopathologie, nous tenterons de mettre en évidence les différents processus de subjectivation que recouvrent ces expressions de l’adolescence, qu’ils soient positifs ou négatifs, en établissant des liens avec leurs manifestations sociales et politiques. C’est alors plus largement sur la possibilité d’aborder l’adolescence sous l’angle de l’événement, de l’expérience et de la transmission que nous souhaitons nous pencher. Au cours de cette réflexion, où la question du désir, de ses définitions, de son caractère intempestif, seront un repère essentiel, nous avancerons dans un dialogue entre concepts psychanalytiques et philosophiques : ainsi, la symbolisation, la sublimation, n’iront pas sans une élaboration politique de la mémoire, de l’expérience, et de l’histoire ; c’est ensemble que nous tenterons de penser les modalités disciplinaires, biopolitiques, psychologiques, par lesquelles s’exerce le pouvoir (B.Stiegler invite ainsi à penser la notion de « psychopouvoir ») et les pratiques de soi, les subjectivations et résistances qui en découlent ou s’en émancipent. Nous tenterons de mobiliser ces questions par le développement de la figure l’amateur, par opposition à celle du consommateur (de télévision, de ritaline) dans le contexte des industries culturelles et de la médicalisation de la société. Dans le cadre d’une organisation associant l’Institut de recherche et d’rnnovation du Centre Pompidou, l’Hôpital Marmottan, L’Ecole Doctorale de Recherche en Psychanalyse (CEPP) de l’Université Paris VII et travaillant à la préparation d’un colloque sur la question du désir prévu en 2010, le séminaire se propose d’agencer des interventions théoriques et cliniques à partir de différents axes de travail :
L’enfant et l’objet aux origines de la symbolisation
Destins de l’objet et du désir à l’adolescence
L’enfance et l’adolescence : nouvelles catégories à risques
Subjectivations – Désir et technique
La mémoire, l’archive et la transmission