Pour sa seconde année d’existence, le séminaire d’études digitales de l’Institut de Recherche et d’Innovation se donne pour objectif de continuer son exploration transdisciplinaire des transformations épistémiques liées aux technologies digitales.
Cette exploration conservera comme point de départ une interrogation des limites du champ de recherche nouveau que constituent les études digitales. C’est notamment dans leur rapport de complémentarité, voire de critique et peut-être même d’antagonisme aux « humanités digitales » que devront se réaffirmer les enjeux qu’elles portent (séance 3).
Cette réaffirmation devra d’ailleurs s’effectuer en fonction du contexte dans lequel les études digitales émergent, qui est celui d’une crise des sciences non plus seulement européennes mais occidentales (dont un symptôme est l’article «The end of theory», de Chris Anderson, paru en 2008 dans la revue Wired), asiatiques (cf. la fermeture de 27 départements de sciences humaines au Japon dans le cadre néolibéral des «Abenomics») et même mondiales (autour notamment de la question de l’Anthropocène). Un tel contexte découle de la rupture technologique (qui en tant que telle est un état de choc pour la pensée) que les études digitales, comme nouvelle épistémologie, se trouveront requises de penser (séance 2).
Un tel champ épistémologique doit évidemment consister dans une critique détaillée de la technologie numérique, c’est-à-dire dans une analyse transdisciplinaire de ses constituants et de leurs schèmes de fonctionnement, à travers par exemple une réflexion autour du software (séance 1). Mais cette critique doit aussi prendre en compte des enjeux plus larges et se proposer de synthétiser des propositions quant à l’architecture des systèmes d’information, et particulièrement quant au web lui-même. Ce séminaire sera alors l’occasion de prolonger les Entretiens du Nouveau Monde Industriel qui auront lieu au Centre Georges Pompidou les 14 et 15 décembre 2015 autour du «Web que nous voulons». Il faudra interroger l’avenir du web à partir de son passé, en tant qu’il fut pensé comme un lieu de savoirs, c’est-à-dire comme le lieu où l’incalculable et le néguentropique sont produits à partir du calcul et du computationnel. C’est donc la question de l’incalculabilité qui devra être posée, à l’heure où un computationnalisme radical (et donc entropique) semble en mesure de triompher (séances 4 et 6).
Enfin, et d’un même élan, le séminaire s’ouvrira en direction de la réflexion menée à l’IRI au sein du séminaire «Catégorisation contributive» sur la question de l’herméneutique, envisagée comme la méthode et le modèle de la raison interprétative. Les deux dernières séances viseront à analyser dans des champs différents comment s’articulent les rapports du local et du global dans l’épistémè digitale. Cette analyse nous renverra à des problématiques issues tout autant de la thermodynamique (à travers les idées de «localité néguentropique» et d’entropie globale telles que Bernard Stiegler les met à profit dans son travail récent) que du modèle herméneutique (et notamment au cercle herméneutique dont Schleiermacher disait qu’il était un «cercle du local et du global».) Par là nous verrons dans quelle mesure les études digitales ont vocation à n’être pas seulement une épistémologie du numérique mais aussi une critique de l’épistémè digitale. Nous croiserons ainsi des problématiques relevant de la géo-socio-politique des médias digitaux et des études environnementales (séance 5).
Cette année, le séminaire se donne donc trois objectifs : – poursuivre une définition des enjeux du champ des études digitales, – ouvrir, dans ce champ, des perspectives de recherche et – travailler à une épistémologie du calcul et du numérique.