Séminaire transdisciplinaire en préparation des Entretiens du Nouveau Monde Industriel sur le thème de l'intelligence urbaine (18-19 décembre 2018)
Lundi 2 juillet 2018 de 9h00 à 19h30 Mardi 3 juillet 2018 de 9h00 à 19h30
Ce séminaire consacré à l’intelligence urbaine à l’époque de la ville automatique propose de rouvrir les questions qui furent celles de Henri Lefebvre dans La critique de la vie quotidienne, Le droit à la ville, Vers le cybernanthrope et La production de l’espace et, ce faisant, de revisiter les caractéristiques de l’urbanité industrielle telle qu’elle émerge à l’époque de Karl Marx. Il s’agira de caractériser le capitalisme contemporain porteur du programme de « smartification » généralisée et d’examiner les conditions dans lesquelles la ville hautement connectée pourrait et devrait devenir aussi et avant tout la ville de la désautomatisation, c’est à dire de l’intelligence de l’habitation et de la réinvention des savoirs urbains sous toutes leurs formes.
Le développement promis par les modèles de smartification issus de la Silicon Valley est insoutenable : il constitue avant tout une nouvelle accélération de l’augmentation de l’entropie qui caractérise l’Anthropocène dès son origine. Il a été posé quelques fois – et par métaphore – que la ville serait une sorte d'organisme, et le milieu urbain une sorte de tissu conjonctif. Italo Calvino a souligné qu'il est possible d'avoir deux visions apparemment opposées de la ville : la ville comme machine, et la ville comme organisme. À présent, la machinisation de la ville n'est plus métaphorique : elle devient effective à travers l'implantation des fonctionnalités automatisées, dont les technologies urbaines numériques permettent le déploiement.
La question du rapport entre le vivant et le machinique cependant peut et doit être dépassée à partir des travaux d’Alfred Lotka, qui proposa en 1945 de considérer le vivant humain comme un processus de production d'organes qu'il appela exosomatiques. L'homme est un organisme vivant exosomatique qui, vivant en société, construit et institue lui-même des organismes exosomatiques de dimensions supérieures, au sein desquels vivent des groupes humains.
Ce séminaire tentera de poser la question de la technologie industrielle numérique en reparcourant la courte histoire de l’internet, du world wide web et des plateformes, et en la qualifiant d’un point de vue épistémique et épistémologique – c’est à dire dans le cadre de ce que l’IRI et le Digital studies network ont appelé à partir de 2014 les études digitales (digital studies) – et en tant qu’elle caractérise le capitalisme computationnel comme un type spécifique d’épistémè.
Il situera ces questions dans le contexte du développement de ce qui, au-delà du marketing des « smart cities », constitue la question d’une urbanité numérique – les « villes connectées » étant ici appréhendées comme un type spécifique de plateforme (au sens du « capitalisme des plateformes » où s’agencent et se reconfigurent en profondeur des métabolismes urbains protéiformes).
Il projettera ces problématiques dans les champs de l’architecture et de l’urbanisme au moment où les matériaux de construction pucés, les technologies de modélisation, de conception, de construction, de cycle de vie et de gestion des organes et des flux dans les exorganismes constituent une nouvelle « révolution urbaine », hyperindustrielle, affectant profondément aussi bien les habitants que les secteurs de la construction et de la « production de l’espace » – qui pourrait devenir dangereusement inurbaine.
Il tentera d’entrer dans ces questions depuis le point de vue marxien tel qu’il suppose une théorie de l’évolution technique, revendiquée par Marx dans Le Capital 1, et telle qu’elle doit être relue au regard des hypothèses de Lotka et recontextualisée au XXIè siècle dans le cadre de l’analyse critique de l’Anthropocène.