Intervenants : Bernard Stiegler, Laurent Fleury, Philippe Urfalino
Le décret du 24 juillet 1959 qui fonde l’action du nouveau ministère de la culture crée par André Malraux est explicite : elle est de « rendre accessible les œuvres capitale de l’humanité, et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de Français, assurer la plus vaste audience au patrimoine culturel […][10]». Le souci égalitaire est ici clairement affirmé. L’idéal d’un partage démocratique de l’art constitue la culture en tant qu’art socialisé. Au-delà d’un souci distributif, le partage de la culture paraît essentiel à la culture même. Et lorsqu’en 1960, Gaétan Picon s’exclame « Qu’est-ce qu’une beauté qui n’existe pas pour tous ? Qu’est-ce qu’une vérité qui n’existe pas pour tous ? Que la culture n’existe que pour quelques-uns est un scandale qui doit cesser – mais que la démocratie s’emploie à faire cesser depuis qu’elle existe [11]», c’est l’enjeu de la politique culturelle qui est défini. La révélation de la beauté et de la vérité a pour cible la sensibilité du public, et plus généralement les citoyens, que l’on veut toucher de manière égalitaire. Avec André Malraux, la sensibilité est la faculté invoquée par ce que la communication entre les œuvres et les hommes a pour support des sentiments et le partage d’expériences esthétiques universelles, telles que l’amour et la mort. C’est à la création d’un « état esthétique[12] » à laquelle nous assistons avec la naissance du nouveau ministère Malraux. Comment le musée et ses expositions artistiques se sont-ils imposés comme les lieux institutionnels de l’enrichissement culturel par l’expérience esthétique des objets d’art ?