Séminaire Le design de l'attention - Création et automatisation
Séance d'ouverture le 28 janvier 2015 avec Natalie Depraz, Elie During, Bernard Stiegler
Depuis les attentions « passives » et « actives » de Condillac jusqu’aux systèmes 1 (intuitifs) et 2 (raisonnés) de Daniel Kahneman, les catégorisations théoriques descriptives de l’attention ont évolués, mais nous retrouvons généralement une similaire dichotomie duelle de l’attention, opposant un fonctionnement automatique à des efforts intentionnels. Pourtant, l’acquisition d’automatismes, tels que l’apprentissage de la lecture, ou une pratique instrumentale virtuose, est la condition de formation de nouvelles intentions, s’appuyant sur des automatismes acquis. Cela vaut-il aussi pour l’attention ? Selon Jonathan Crary, «l’attention comme une activité déterminée et volontaire du sujet est conçue comme une expression de son pouvoir autonome d’organisation active, qui lui permet de s’imposer sur le monde perçu. Mais même ceux qui ont défendu cette dernière position, comme James ou Bergson, ont immédiatement reconnu la proximité entre attention volontaire et états automatiques ou involontaires, tout en estompant les limites entre ces deux états d’attention.[24]» Peut-on dépasser les oppositions entre attention volontaire et attention automatique, entre attention active et attention passive ? Dans quelles dynamiques l’attention conçue comme réponse créative peut-elle trouver ce dépassement ? Cependant, si l’attention active serait moins ce qui s’oppose à l’automatisme que ce qui compose avec elle, jusqu’où et dans quelles conditions une telle composition est-elle encore possible au stade contemporain de l’automatisation technogénétique généralisée et de la société de l’hyper-contrôle ? Enfin, comment un ars attentionnel de l’hyper-contrôle pourrait-il enrayer et court-circuiter les nouveaux dispositifs numériques automatisants ?