Séminaire Le design de l'attention - Création et automatisation
Cinquième séance le 7 mai 2015
avec Antonio Casilli, Nicolas Auray et Louise Merzeau
Internet génère aujourd’hui des données personnelles autoproduites, auto-captées et auto-publiées par les personnes elles-mêmes – délibérément ou non – et utilisées par le calcul intensif sur ces données massives par les services marketing. Depuis la naissance des grands réseaux sociaux tel Facebook, nous découvrons le mimétisme automatisé fondé sur l’effet de réseau et les boucles de rétroaction produites en temps réel par les big data au sein de foules artificielles réticulées. Engendrées par la rétention tertiaire numérique, les foules artificielles connectées constituent l’économie du crowd sourcing qu’il faut entendre en de multiples sens – et dont le cognitariat est une dimension[31]. Les big data sont pour une très large part des technologies d’exploitation des potentialités du crowd sourcing sous ses diverses formes, dont le social engineering est un trait majeur. Internet est aujourd’hui un pharmakon qui devient une technique d’hyper-contrôle et de dés-intégration sociale. De nos jours, le traitement automatique des données personnelles issues des réseaux sociaux consiste à court-circuiter toute singularité qui pourrait se former au niveau de l’individu collectif – singularité collective qui constitue la différenciation idiomatique, laquelle est la condition de toute signification comme de tout sens –, transformant les singularités individuelles en particularités individuelles. A la différence du singulier, qui est incomparable, le particulier est calculable, c’est à dire manipulable et soluble dans ces manipulations[32]. Faute d’une nouvelle politique de l’individuation, les réseaux sociaux virtuels ne peuvent devenir que des facteurs de dissociation. Comment transformer les réseaux sociaux dissociés actuels en réseaux sociaux associés, composés d’individus singuliers et apportant des réponses fondées sur des interprétations différentes ?