Intervenants : Catherine Grenier, Dominique Gonzalez-Foerster et Igor Galligo
D’un point de vue théorique, une expérience est un engagement dans une situation de mise à l’épreuve d’un élément d’ordre spéculatif, souvent appelé hypothèse lorsqu’il s’inscrit dans un système logique. Dans les disciplines scientifiques, les expériences sont qualifiées de scientifiques parce qu’elles sont conduites en respectant des protocoles aussi rigoureux que possible, concernant aussi bien la planification et la mise en œuvre concrète de la situation expérimentale, que le recueil des données ou l’interprétation théorique qu’il en est faite. En raison de cet élément spéculatif, l’expérience comporte de manière intrinsèque un poids d’indétermination (incertitude) plus important que les autres types d’initiatives (actions, activités, projets, programmes, etc.) qui visent un but en réduisant au minimum les paramètres incertains. Il n’y a cependant pas de frontière nette, et toute initiative peut être au moins rétrospectivement appréhendée comme une expérience didactique, formatrice, capitalisable en elle-même.Cependant, les caractéristiques attentionnelles de l’expérience esthétique décrites dans la troisième séance ne semblent pouvoir se développer dans le dispositif muséal contemporain, en ce que l’intentionnalité de l’attention ne semble plus se diriger et se concentrer vers un objet d’art, mais se perdre dans la multiplicité des distractions et flux esthétiques qui s’offrent au visiteur. D’une attention concentrée sur un seul élément et régie par une attention profonde, le visiteur développe des formes attentionnelles qui se disséminent dans l’environnement muséal. Cette dimension environnementale et immersive caractérise aujourd’hui l’expérience muséale dans laquelle le visiteur circule, plus qu’il ne s’arrête. C’est la question de la puissance immersive et ambiantale de l’exposition qui est posée, dans ses multiples formes d’enveloppement. L’exposition artistique ne tend-t-elle pas ainsi à devenir un art de l’ambiance (esthétique) plutôt qu’un art de l’expérience esthétique ? Ou bien, pourrait-on considérer que l’exposition artistique devienne un art de l’expérience d’une ambiance esthétique ? L’expérience esthétique pourrait-elle ainsi glisser d’un rapport entre un visiteur et un objet d’art, à un rapport entre un visiteur et une exposition d’art, par l’ambiance qu’elle génère ? Ainsi, n’assistons-t-on nous pas à la naissance de l’ambiance comme catégorie esthétique à part entière, dont l’exposition deviendrait un dispositif d’expérimentation ?