Bernard Stiegler (IRI)
Philosopher, founder of IRI and Ars Industrialis, he is professor of philosophy at University of Compiègne. Franck Cormerais (Bordeaux-Montaigne University, Etudes Digitales)
Franck Cormerais is teaching Information Science at Bordeaux-Montaigne University. He has founded the journal Etudes Digitales Julien Rossi (UTC)
Julien Rossi is researcher at University of Technology of Compiègne. His works are about data protection and privacy.
Cette séance du séminaire “Decrypting Algorithms” (NEXTLEAP) sera consacrée à l’étude des modalités de réinvention des territoires, en tant qu’écosystèmes locaux et ouverts d’une économie contributive, par les technologies du numérique. Le tournant de ces dernières années vers la cryptographie et la décentralisation soulève des questions importantes qui seront centrales dans le contexte du territoire de Plaine Commune (Paris Nord) et de l’évaluation d’une capacitation technologique par et pour les citoyens. Comment articuler l’échelle globale d’Internet avec les besoins des communautés locales ? Comment fournir des règles claires de gouvernance et de tracabilité dans le cadre de systèmes ouverts de communication ? Est-ce-que les systèmes décentralisés préfigurent une nouvelle articulation entre production de connaissance top-down et bottom-up ? Est-ce que ces nouvelles articulations permettent d’ouvrir des chemins vers une nouvelle forme de démocratie ? Comment les systèmes décentralisés construisent une nouvelle économie contributive ? Par exemple, comment les économies locales et les démocraties contributives ouvrent la voie à une redéfinition de la valeur économique et du travail à l’ère de l’automatisation et de la baisse de l’emploi ?
Pour comprendre l’impact des réseaux décentralisés, nous proposons de commencer par la question du droit individuel au secret qui aura été introduite durant la journée de lancement du projet Nextleap le 5 mai au Centre Pompidou. Dans le contexte d’identités singulières présupposées nous essayerons de comprendre la nécessité d’offrir un accès aux technologies de cryptographie à tout groupe organisé dans un processus d’individuation collective appuyé sur des règles communes contraintes par le domaine légal. Ainsi, le pouvoir collectif peut être construit : la capacité de produire des interprétations singulières d’un cadre légal et de son contexte social total est ce qui permet l’évolution dans une diversité de connaissances. Le numérique ne devrait pas seulement préserver le droit des citoyens : le numérique nécessite de rédéfinir le citoyen lui-même ainsi que les concepts de public, de privé, de transparence et de secret.
Ces principes généraux conduisent à la déclaration d’un droit au secret et plus encore à un droit à l’individuation plurielle de la psyché et du collectif dans le contexte du vraie ville intelligente (truly smart city) conçue comme espace d’homogénéité par le partage d’un code. Par ailleurs, la conception de ce code a pour but de permettre l’hétérogénéité des singularités dans ce qu’elles ont d’indéchiffrable ou d’insignifiant tout en conservant une interprétabilité. C’est en cela que nous démarrerons la séance avec le fameux “Code is Law” de Lawrence Lessing afin d’évaluer les enjeux et limites d’une conception décentralisée des architectures de données ainsi qu’un droit au secret à la base d’un secret du code lui-même. Le code en tant que loi est ce qui permet des compositions métastables de singularités et de groupes dans lesquels les individus s’aggrègent localement.