Séminaire Goût de l’archivage : recherche, patrimoine et création
Nous partons dans ce séminaire d’un constat souvent partagé entre chercheurs, médiateurs culturels et créateurs : nous avons un besoin permanent de matériaux (traces, données, corpus, etc.). Les sciences sociales en particulier, ont de ce fait parfois développé une réflexion qui porte sur les pratiques de collectes, d’enregistrements, de construction de corpus, d’accès, de sauvegarde, envisagées comme des pratiques culturelles et scientifiques autonomes et non comme opérations purement fonctionnelles nécessaires à la recherche. Dans le même temps, un grand nombre de programmes de recherche consistent à penser les questions d’archivage et de numérisation, de mise à disposition de données, non plus pour des équipes restreintes qui ont des critères de collectes et de construction de corpus liés à des questions de recherche très précises, mais pour des collectifs larges, de chercheurs de différentes disciplines, d’ingénieurs travaillant dans des contextes différents, d’acteurs culturels, qui ont tous des besoins de connaissances et des enjeux culturels et politiques différents. Cet élargissement des destinataires complexifie les questions relatives à la constitution de ces corpus. Il y a donc dans ces programmes, à la fois une exigence forte d’éclairer les pratiques d’archivage et de création de corpus dans la mesure où elles accroissent la réflexivité en suscitant des débats intenses, et à la fois une impossibilité de le faire depuis un point de vue qui serait clairement situé, et consensuel. Comment assumer et même profiter de cette contradiction partagée, nous semble-t-il, par beaucoup de chercheurs, d’ingénieurs, d’acteurs culturels. Ces acteurs sont en effet porteurs ou témoins de cette pluralité d’objectifs de recherche dans des domaines précis (la génétique des oeuvres musicales et théâtrales, les pratiques culturelles, les savoirs de la pratique), d’objectifs de développement et de création (documenter, annoter, et éditorialiser des savoirs et des pratiques complexes), d’objectifs de médiation culturelle et pédagogique, ainsi que d’une une nuée d’enjeux et de scrupules connexes, politiques, épistémologiques, économiques, auxquels les équipes se rendent sensibles au cours de l’action (interdisciplinarité et innovation comme injonction et comme réalité vécue, ingéniérisation des pratiques, pressions politiques et économiques, etc. )? Il nous semble qu’une des solution réside dans le partage, intensif, de nos expériences, questions, préoccupations dans les programmes que nous développons et les expériences que nous traversons très concrètement. Il s’agit de gagner en capacité critique et créative non par la recherche d’un point de vue externe (impossible), mais par la création d’un espace de savoirs partagés sur les pratiques de recherche, de création et de médiation des corpus et des archives vivantes. Nous souhaitons, dans le cadre de Spectacle en ligne(s), proposer ce partage à des collègues qui réfléchissent et agissent dans ce sens. Nous avons choisi trois axes de réflexion (parmi bien d’autres possibles) :
La question d’une forme d’esthétique de la collecte et la constitution de corpus, dans la mesure où elles s’écartent d’emblée de besoins de recherche ou d’initiative patrimoniales univoques, et qu’elles sont destinés à ces publics hétérogènes. Les pratiques émergentes, permises notamment par le numérique, d’objectivation, d’inscription et d’archivage de pratiques et savoirs artistiques, peu formalisés a priori : très complexes, collectifs, tacites ; quels sont les choix opérés, les paris, les effacements décidés, etc. le souci d’éclairer le plus soigneusement possible les conditions de constitution de savoirs, de dispositifs, de corpus, d’archives, et notamment les registres d’objectivité et d’ambiguïté, pour permettre aux usagers “futurs” un regard critique, éclairé, sur les objets mis en circulation dans des milieux divers (recherche, culture, enseignement, etc.)