Intervenants : Thierry Fournier, Jean-Paul Thibaud, Emmanuel Doutriaux et Boris Groys
Selon Bernard Stiegler, « La question politique est essentiellement la question de la relation à l’autre dans un sentir ensemble, une sym-pathie, en ce sens. Le problème du politique, c’est de savoir comment être ensemble, vivre ensemble, se supporter comme ensemble à travers et depuis nos singularités (bien plus profondément encore que nos « différences »), et par-delà nos conflits d’intérêts. La politique est l’art de garantir une unité de la cité dans son désir d’avenir commun, son in-dividuation, sa singularité comme devenir-un. Or, un tel désir suppose un fond esthétique commun. L’être-ensemble est celui d’un ensemble sensible. Une communauté politique est donc la communauté d’un sentir.[29]» Si dans son essai intitulé « L’œuvre d’art à l’époque de la reproductibilité mécanisée », Walter Benjamin nous conduit à la conclusion qu’ : « A de grands intervalles dans l’histoire se transforme en même temps que le mode d’existence, le mode de perception des sociétés humaines[30] », c’est-à-dire à la conception d’une essence historique de l’objet d’art qui dépend des transformations perceptives et attentionnelles générées par les transformations socio-économiques et techniques, ne pourrait-on pas imaginer en conclusion de notre réflexion, que l’enjeu souhaitable du commissariat d’exposition ne serait plus de faire apprécier la valeur auratique des objets d’art, ni même cognitive, mais plutôt d’en faire ressentir les signes, les singularités esthétiques, pour que de la synthèse attentionnelle et sémiotique qu’en tissera le visiteur lors de son passage, puisse se constituer une ambiance esthétique, un ensemble sensible, un fond esthétique commun et indistinct de l’exposition, dont il puisse s’imprégner ? C’est l’imprégnation de cette ambiance qui pourra alors former la communauté politique des visiteurs, c’est-à-dire la communauté d’un sentir.