La notion d’information a été introduite en biologie à la suite de plusieurs événements scientifiques : la publication de la théorie de la communication de Shannon en 1948, la mécanisation de certains calculs avec la première implémentation d’une machine équivalente à celle de Turing (ENIAC) en 1945, et la découverte de la structure de l’ADN en 1953. Et pourtant, d’un point de vue théorique, le concept d’information demeure encore flou aujourd’hui : les biologistes se réfèrent à la fois à Shannon et à Turing, alors que les deux cadres sont fort différents. Surtout, le concept d’information tend à faire accroire que la compréhension du vivant pourrait être obtenue par le “décryptage” de l’ADN, qui donnerait sa forme à l’organisme. De même, dans la vie exosomatique, à l’époque de la génération automatique d’articles par les systèmes d’intelligence artificielle, certains tendent à penser que les textes et plus généralement les données auraient un sens intrinsèque, accessible par une mécanique calculatoire. Dans les deux cas, la notion d’information fait disparaître l’activité vivante au profit d’une interprétation mécanique des processus en jeu, sans que cette dernière ne soit justifiée ou même réellement élaborée théoriquement. Comment dépasser ce paradigme informationnel pour penser non seulement le vivant, mais aussi la forme technique de la vie et les nouvelles machines computationnelles qui constituent son milieu ambiant ?
13h30 : Yuk Hui (Informatique, philosophie de la technique, Hong Kong university)
14h00 : Maël Montévil (Biologie théorique et épistémologie, IRI et IHPST, université paris 1)
14h30 : Pause
14h45 : Jean Lassègue (Anthropologie philosophique, CNRS LIAS) & Giuseppe Longo (Mathématiques et épistémologie, CNRS et ENS)
15h45 : Discussion
16h30 : Pause
Le stade numérique du processus de grammatisation transforme radicalement les conditions de la lecture, de l’écriture, de la traduction et de l’expression. Si l’informatique émane du langage et si l’ordinateur peut être défini comme une machine à réécriture automatique, cela ne signifie pas pour autant que la pratique des langues puisse être réduite à un processus computationnel. Au contraire, les pratiques linguistiques, y compris la traduction, comportent toujours une dimension diachronique, qui rend possible leurs évolutions à travers les expressions locales et singulières. Or, c’est précisément cette dynamique et cette diversité langagière qui semblent aujourd’hui menacées par le « capitalisme linguistique » de Google, qui exerce un contrôle sur la pratique des langues au moyen d’outils de correction, d’auto-complétion et de traduction automatique, transformant ainsi les savoirs linguistiques locaux en ressources économiques. Comment lutter contre les effets homogénéisants, régularisant et synchronisant de ces nouvelles technologies d’écritures, qui tendent à désidiomatiser les langues ? Aussi performante soit-elle, la génération automatique de textes par les logiciels peut-elle combler le désir d’histoire qui relie les générations entre elles ? La génération automatique de musiques ne manque-t-elle pas la dimension d’improvisation inattendue qui caractérise toute œuvre nouvelle ? A quelles conditions un programme peut-il assister des pratiques créatives ? Cela suppose de comprendre le rôle de l’interprétation dans sa capacité à produire du sens au-delà du calculable, et d’en tirer les conséquences pour transformer les technologies de l’information et de la communication en supports de mémoire, d’interprétation et d’invention.
17h00 : Frédéric Kaplan (Informatique et linguistique, école Polytechnique Fédérale de Lausanne)
17h30 : Michal Krzykawski (Philosophie, université de Silésie à Katowice)
18h00 : Pause
18h15 : Gerard Assayag (Musique et informatique, IRCAM)
18h45 : Discussion