L’IRI et la Fcpe sont engagé dans un vaste chantier de réflexion sur le numérique qui passe par un travail d’analyse des pratiques, problématiques et des outils utilisés par les parents d’élèves. Notre objectif est de mettre en place un processus de co-design et co-développement d’une plateforme numérique modulaire et contributive qui soit un vecteur de développement des savoirs de la parentalité dans toute sa dimension y compris le rapport au numérique.
Nous partageons avec la Fcpe la conviction qu’en ce temps de confinement, les écrans jouent un rôle encore plus important dans le conditionnement de tous nos comportements et particulièrement ceux de nos enfants. Or ce conditionnement obéit à ce que Antoinette Rouvroy a bien décrit comme une gouvernementalité algorithmique totalement dominée aujourd’hui par quelques grands acteurs et qui, si l’on en croit Naomi Klein, organisent une nouvelle stratégie du choc du capitalisme numérique, un « screen new deal » qui disrupte toutes les organisations mais aussi toutes les relations sociales en renforçant le sentiment d’infériorité, le sentiment de honte face à une intelligence artificielle infaillible.
Nous développons à l’Institut de Recherche et d’Innovation une approche fonctionnelle et systémique du numérique et plus précisément à la suite de Bernard Stiegler (fondateur de l’IRI décédé l’année dernière), une approche dite « organologique » c’est-à-dire attachée à mettre en évidence les agencements et l’évolution des organes biologiques, techniques et sociaux. Or toute structure vivante, technique ou sociale peut ou ne peut pas produire sa propre norme. En cela elle peut être « normale ou pathologique », elle peut être un poison ou un remède, elle est pharmacologique.
Il faut donc pour « prendre soin » de ces organes trouver collectivement les moyens d’être médecin et pharmacien, et même médecin urgentiste comme le soulignait très justement B. Stiegler. Médecin pour comprendre les symptômes et les pathologies à l’œuvre avec le numérique et pharmacien pour que chacun trouve les bons dosages, les bonnes posologies.
Notre démarche est particulière, elle consiste à évaluer les problèmes et à construire des savoirs dans le cadre de groupes de capacitation en suivant une démarche dite de « recherche contributive » où parents, soignants, scientifiques sont tous contributeurs dans leur domaine et à partir de leur expérience personnelle. C’est le cas à la Clinique Contributive, à la PMI Pierre-Sémard de la Ville de Saint-Denis que Marie-Claude Bossière et Mael Montévil présentent dans ce Webinaire.
Marie-Claude Bossière est médecin pédopsychiatre. Praticien hospitalier et psychiatre à la Maison des femmes de Saint-Denis. Elle est engagée depuis quelques années dans l'information sur les effets des écrans sur le développement des jeunes enfants, et participe à ce titre aux activités du collectif CoSE (Collectif Surexposition Ecrans).
Mael Montévil est théoricien de la biologie, il croise biologie, mathématique et philosophie pour apprendre à prendre soin des agencements bio-socio-techniques à l’ère de l’Anthropocène. Anthropocène qu’il interprète à la suite de Bernard Stiegler comme une phase de disruption des équilibres et d’augmentation de l’entropie.