Par delà son rôle de « pourvoyeur » d’expérience esthétique, nous soutenons que le musée a plus fondamentalement pour fonction de susciter et d’entretenir des régimes d’attention et des passions pour des objets et des activités ressortant des dynamiques de participations culturelles et artistiques. En tant qu’institution, le musée est un organe politique contribuant à la pérennisation des circuits de valorisations et d’interprétations socio-culturels, pérennisation qui passe non seulement par l’exposition et la patrimonialisation, mais encore nécessairement par la création et le maintien de processus psycho-sociaux de sublimation et d’individuation de significations collectives.
Depuis plus d’une trentaine d’années, parmi les nombreux facteurs avec lesquels le musée doit composer, deux phénomènes questionnent et transforment en profondeur le visage de l’institution muséale :
D’un côté, le bourgeonnement des CCSTI, nouvelles institutions culturelles tournées vers l’interactivité et la participation pratique des visiteurs – devenus visiteurs-acteurs –, a progressivement questionné le musée classique, organisé principalement autour de la patrimonialisation, de l’exposition et de la contemplation des œuvres. Des fab-labs aux ateliers en tout genre, les CCSTI ont insufflé de nouvelles formes d’adresse au public et donné naissance à autant de nouveaux espaces d’individuation psycho-sociale. Dans le même temps les institutions culturelles ont connu un large processus d’hybridation, duquel sont notamment apparues des formes intermédiaires entre musée et CCSTI, à l’instar du rapprochement du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie dans l’établissement d’Universcience en 2009.
D’autre part, tout en catalysant ce tournant vers l’action et la participation, l’essor du web et des technologies numériques en général ont fait émerger une économie de la contribution dont les structures de fonctionnement relativement déhiérarchisés et plus distribuées questionnent désormais le modèle historiquement vertical et descendant des institutions en général, et notamment des musées. Dans ce cadre, la muséologie semble aujourd’hui être interrogée tant au niveau des fonctions du musée que de son organisation, et devoir intégrer à ses réflexions des éléments provenant de champs disciplinaires transverses et d’institutions culturelles variées, qui débordent de plus en plus le cadre du musée traditionnel.
Dans ces conditions, nous proposons dans ce séminaire une conception prospective du musée de demain, reposant sur la pleine assomption du rôle politique du musée comme moteur de propositions socio-culturelles et économiques nouvelles. Selon cette perspective, le musée est à concevoir comme un écosystème de relations, à la fois comme un lieu de la contemplation, de l’imagination et de l’action, comme une ruche de savoirs et d’innovation et comme un carrefour de corps de métiers se rencontrant dans des projets socio-économiques et culturels partagés. L’idée est de concevoir le musée comme une force de proposition afin d’infléchir dans le sens d’une muséologie tournée vers l’expérimentation socio-politique et culturelle. Dans ce sens, le musée serait en quelque sorte un laboratoire esthétique et politique, un espace d’apprentissage théorique et pratique, et constituerait un creuset pour l’émergence et la réalisation de projets et d’entreprises communes.
Pour soutenir cette conception du musée, nous nous appuierons sur la notion d’espace transitionnel qui renverra conjointement aux espaces muséaux dans leurs dimensions physiques et transitoires (scénographie, architecture, organisation, etc.) et à l’importance capitale que jouent ces espaces sur l’affectivité individuelle et les dynamiques de participation qui y ont lieu (jeux de contemplation, d’imagination, action individuelles et collectives). Au travers de cette notion charnière, il s’agira d’envisager les critères et les conditions nécessaires à la constitution de zones d’expériences partagées, en vue d’imaginer différentes configurations possibles pour créer les écosystèmes muséaux, entendus comme espaces transitionnels de la mémoire et des savoirs (savoir-faire, savoirs théoriques et pratiques).
= Structure du séminaire =